Yasser Mourtaja a été touché par balle lors de la «marche du retour à Gaza», malgré son gilet «presse».
La tente funéraire a été dressée devant sa maison, dans le centre de la ville de Gaza. Quelques rafales d’armes automatiques claquent, pendant que des amplis installés sur un vieux pick-up diffusent à volume tonitruant des chants à la gloire des «shahids». Autant de rituels auquel les Gazaouis sont rompus. Dans la petite foule qui attend la sortie du corps, les journalistes locaux sont venus en nombre, qu’ils travaillent pour des médias affiliés avec les factions, en indépendant ou avec la presse internationale. Preuve que Yasser Mourtaja était respecté dans le milieu. «Un vrai journaliste», insiste-t-on, employé par une boîte de production gazaouie, Ain Média.
Le jeune photographe n’avait pas l’ambition de mourir en martyr. Son rêve (il l’avait décrit sur Facebook), c’était de pouvoir un jour prendre l’avion et shooter les plages de sa ville natale depuis le hublot. «J’ai 30 ans, j’habite à Gaza, et je n’ai jamais voyagé», écrivait-il il y a deux semaines. «C’était quelqu’un de très doux, très créatif», raconte Hind Khoudary, une consœur anglophone.
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Il a succombé à une blessure à l’abdomen dans la nuit. Vendredi, comme des dizaines d’autres journalistes, il couvrait à la frontière le deuxième épisode de cette «marche du retour», qui doit culminer le 15 mai, jour de la Nakba (la «Catastrophe», soit l’exode des Palestiniens après 1948). Plusieurs versions circulent sur les circonstances de sa mort : certains disent qu’il pilotait un drone pour faire des vues aériennes de la scène aux abords de Khan Younès (sud de Gaza) entre les jeunes palestiniens à quelques dizaines de mètres des barbelés et les soldats sur leur monticule de l’autre côté. Un reporter radio local assure lui qu’il n’avait qu’un appareil photo 5D monté sur trépied au moment de rejoindre la foule, à environ 200